Pelléas et Mélisande

Design Vidéo   / Video scénographie

Creation @ Opéra de Bordeaux – 1-2018
Tournée: Japon (Kanasawa & Tokyo) 7&8-2018
récompense: nommé 3ème meilleur événement de musique classique de l’année 2018 au Japon par 38 critics de  « Ongaku No Tomo Magazine » (The Friend of Music)

Opera: Debussy – Libretto: M. Maeterlinck
Chef d’orchestre: Marc Minkowski
Mise en scène: Philippe Béziat et Florent Siaud
Costumes: Clémence Pernoud
Lumière: Nicolas Descoteaux
Cheveux digital: François Zajéga
Avec: Chiara SkerathStanislas de Barbeyrac et Alexandre Duhamel, Jérome Varniez, Sylvie Brunet-Grupposo, Maëlig Querré, Jean-Vincent Blot.

“an infinite poetry”

Classic Agenda

Libération

A Bordeaux, une nouvelle production au dispositif scénique original fête le centenaire de la mort du compositeur Claude Debussy.
Chaque nouvelle production de cette œuvre, d’une abyssale profondeur, est à vivre, en coulisse et dans la salle, comme une expérience. Pelléas…, drame lyrique en cinq actes et douze tableaux, est un mystère qui pose des problèmes. Son mystère réside dans le fait qu’on ne connaîtra jamais le fin mot de son histoire. Ce fin mot se trouve d’ailleurs certainement dans le passé : qu’est-il arrivé au père de Golaud ? D’où vient Mélisande ? Et ses problèmes tiennent à des challenges scéniques : le parlé-chanté voulu par Debussy, la donnée physique des cheveux démesurés qui tombent jusqu’au seuil de la tour, celle de la muraille qu’il faut escalader pour espionner derrière une fenêtre, la nouveau-née du dernier acte… autant de défis comparables à la statue du Commandeur de Don Giovanni, qu’on peut affronter au premier degré ou contourner. Quel que soit le dispositif scénique, comment cette nouvelle production circule dans les territoires humides et cahoteux du royaume d’Allemonde ? (…) En appui, une vidéo projetée en fond de scène ou sur un rideau de tulle noir permet de passer certains obstacles. Les cheveux immenses rayonnent sur la toile tels des filaments parcourant le ciel nocturne, tissant une portée où se placeraient toutes les mises en relation, toutes les variables chères à la musique de Debussy. La fenêtre qu’il faut escalader, elle, s’agrandit sur l’écran jusqu’à englober toute la scène, voire la salle, nous faisant complice du jaloux Golaud. De façon monomaniaque, les regards sont au centre du travail vidéo, qui impose avec insistance des paires d’yeux observant le spectateur (à la façon des yeux peints de Dali dans la scène de rêve du Spellbound de Hitchcock). L’œuvre nous voit, nous qui peinons à discerner ses contours. (…) Dans la salle, les spectateurs ne sont plus alors poisseux d’humidité mais engloutis sous des torrents d’émotion irrésolue qui les emportent. Des larmes s’ajoutent de toutes part à la moiteur ambiante. (…)
Les silences qui concluent cette œuvre sont parmi les plus denses qui soient. Tout ce qui s’est produit durant trois heures trouve sa conclusion dans l’inachèvement du vide, l’esprit des protagonistes s’envolant vers les cintres. On ne peut pas ne pas résoudre plus loin. C’est peut-être à cette aune qu’il faut juger la qualité d’une production de Pelléas et Mélisande. Et le silence qui s’est alors emparé de l’Auditorium de Bordeaux était sublime de recueillement.
Guillaume Tion in Libération

Classic Agenda

“Autant le dire sans détours, ce spectacle est une grande réussite. La mise en scène de Philippe Béziat et Florent Siaud est sobre mais d’une infinie poésie. Elle est soutenue par un remarquable travail sur les lumières (Nicolas Descôteaux) et sur la vidéo (Thomas Israël). L’usage de la vidéo, s’il se répand de plus en plus au théâtre et à l’opéra, n’est pas toujours gage de réussite et sert malheureusement parfois de cache-misère à des productions par ailleurs peu inspirées. Ici, bien qu’omniprésente, la vidéo ne sent jamais le simple « geste technique ». Elle figure tour à tour les lieux de l’intrigue dans lesquels évoluent les personnages (l’apparition du ciel lorsque Golaud et Pelléas remontent des souterrains est spectaculaire) mais soulignent également les aspects symboliques de l’œuvre. Parmi les superbes images, on retiendra l’anneau de Mélisande tournoyant lentement dans l’eau, le gros plan sur le regard de la jeune femme lorsqu’elle murmure à Pelléas « C’est que je te regarde » en lui tournant pourtant le dos, et bien sûr l’admirable scène de la tour où la chevelure de Mélisande devient celle d’une comète qui tombe au pied de la tour et enveloppe le corps de Pelléas. Brillante idée qui évite la figuration d’une vraie chevelure interminable (ce qui est parfois grotesque) sans éluder complètement le symbole.”
Laurent Amourette in Classic Agenda

Forum Opéra

“Si le titre n’était déjà pris et tristement célèbre, « le triomphe de la volonté » serait bien la formule idéale pour caractériser cette nouvelle production de Pelléas et Mélisande à l’Opéra National de Bordeaux. Alors bornons-nous à saluer l’audace victorieuse de ses acteurs. On voudrait, pour en rendre compte, donner à sa prose la fluidité, la mobilité, la diversité de la composition de Debussy. Faute d’y parvenir, on dira sans barguigner tout le bonheur que nous a donné la soirée, alors même que nous ne l’abordions qu’avec réticence.” (…)” Un rideau de tulle noir en deux parties amovibles sépare l’espace scénique de la salle. Ouvert ou tiré, ou à peine soulevé, il permet de passer sans interruption d’une scène à l’autre et justifie par la démonstration le choix d’interpréter l’oeuvre en la purgeant des mesures supplémentaires que Debussy avait dû ajouter pour permettre les changements de décor. Il reçoit, ainsi que les panneaux placés à l’arrière de l’orchestre, le flot des images du designer-vidéo Thomas Israël. Certaines visent à représenter le monde physique, comme la dense forêt initiale, ou les flots agités, ou les parois des souterrains, ou encore les hautes salles du château, où les corniches des encadrements se mêlent aux reliquaires, et où des vestiges de fresques peut-être médiévales sont la trace indéchiffrable d’un long passé. D’autres sont plus mystérieuses : illustrent-ils les fantasmes des personnages, ces regards qui semblent les épier, dans cet univers où règne le soupçon ? Il n’est jusqu’à la chevelure qui ne semble naître d’une comète et soit ainsi en correspondance avec les affinités vers Baudelaire et Edgard Poe. Certes, certaines projections peuvent agacer, car l’imaginaire du concepteur semble parfois s’imposer sans nécessité, tant la musique est expressive. Mais jamais elles ne sont en porte-à-faux avec la situation ou le texte, et cela n’est pas non plus un mince mérite !”
Maurice Salles in Forum Opera

Toute la culture

“En faisant déambuler les personnages autour de l’orchestre sur le plateau, voilé parfois d’un tulle noir en guise de rideau, le spectacle imagine cependant une solution originale qui met en avant la poésie singulière de l’oeuvre, et ses sortilèges orchestraux. Les camaïeux noir et gris des vidéos élaborées par Thomas Israël, au diapason de la sobriété scénographique et rehaussés par les lumières de Nicolas Descôteaux, privilégient une conception souvent illustrative des atmosphères et des lieux du drame, des reflets de l’eau à la pénombre de la forêt, du soleil argentique à la O’Keeffe à une plage baignée par le couchant, que vient à peine altérer une foisonnement de lignes en mouvement presque abstraites suggérant la chevelure de Mélisande. L’oeil se laisse happer par ces projections qui ne peuvent étancher cependant les mystères symboliques de Maeterlinck.”
Gilles Charlassier in Toute la culture.com