Très touchée par le prix Nobel de la paix reçu par Nadia Murad. Jusqu’au soir de son Nobel, elle était pour moi la femme Yesidi anonyme, dont le portrait photo a été réalisé par Johanna De Tessieres et sur laquelle j’ai passé des heures à dessiner pour notre exposition EXILT des images et des vidéos. A l’époque, elle se cachait sous un faux nom, dans un camp secret en Irak avec d’autres femmes Yesidi, anciennes esclaves sexuelles de Daesh. Que son peuple trouve dans ce prix Nobel une reconnaissance accrue de ses souffrances et de son génocide, sur le long chemin de la reconstruction.
Fusion des mots « Exil » et « EXIT », le titre de la troisième exposition de Thomas Israël à la Galerie Charlot, fait référence à l’urgence de sortir d’un pays et aux conséquences de ces départs inévitables.
Fils et petit-fils de réfugiés, Thomas Israël aborde la problématique de l’actuel exil forcé de milliers de Syriens. A cette occasion, il réalisera une fresque murale à l’encre de chine sur le mur de la galerie, une traversée allégorique qui nous mènera sur les traces de l’exode syrien, ou chaque signe, minuscule mais unique représente une vie en suspens.
Pour tenter de remettre de l’humanité dans un récit contemporain où les enjeux politiques estompent le drame humain, il collabore avec trois grands photojournalistes de terrain pour autant d’œuvres vidéo: Reza (National Geographic/World Press Photo Award/In nity Award), Johanna de Tessières (La Libre Belgique/Paris Match/Handicap International) et Olivier Papegnies (Prix La Libre Belgique/Médecins du Monde/Nikon Photo Press).
A partir de leurs portraits photos d’exilés à différentes étapes de leurs parcours – dans les camps de réfugiés au Liban, sur la route, dans la Jungle de Calais, ou devant l’Office des Etrangers à Bruxelles – Thomas Israël trace des signes, courbes, traits, points sur leurs visages et leurs corps, pousse nos regards à s’arrêter plus longtemps pour en saisir l’unicité, la préciosité, imaginer un avant et un après. Grâce à ce geste, l’instantanéité de la photo se prolonge dans nos imaginaires affin de nous donner le temps de l’empathie.
Au déchirement géopolitique qui provoque le départ forcé de ces victimes, se rajoute l’exil intérieur. Par ses signes, Thomas Israël indique une trajectoire biographique qui s’inscrit sur le corps. A la photo poignante, se rajoute un niveau de lecture personnel à l’artiste en lien avec une mémoire transgénérationnelle de l’exode. L’ensemble de ces trajectoires sont transformées en une sorte d’alphabet, écriture de l’artiste, traduisant ce que le langage et la raison n’arrivent à expliquer.
Thomas israël nous propose de prendre position au delà des images et des chiffres. Il nous met face à nos responsabilités, nos croyances, nos peurs, nos espoirs, et nous invite à nous recentrer sur l’Humanité.